Message de Jean Bouquet de début mars 2020
Je voudrais vous traduire des extraits d’une lettre qu’un enfant de 9 ans d’Arequipa a écrit au directeur de son école l’année dernière : « Je suis Facundo et aujourd’hui que commence l’école, j’ai décidé de ne pas couvrir mes cahiers, parce que le plastique que nous utilisons peut terminer dans la mer et tuer les poissons… Au collège, nous sommes plus ou moins mille élèves et si chacun utilise trois mètres de plastique, nous aurons trois mille mètres de plastique et une mer pleine d’ordures... Qu’est-ce que vous pensez, si vous m’aidez à demander aux élèves de ne pas couvrir leurs cahiers avec du plastique, pour prendre soin des poissons ? Je suis sûr que nous pouvons le faire. »
En lisant cette lettre dans le journal, j’ai pensé à nos petits promoteurs de paix, un garçon et une fille du primaire choisis par leurs camarades dans chaque classe. Nous en avons formé environ 1500 depuis le début des Écoles Pour la Paix. Beaucoup d’entre eux sont tellement enthousiastes et actifs. Bien sûr des « grandes personnes raisonnables » pourront dire que la décision de Facundo et tout ce que font nos promoteurs de paix, ne sert pas à grand-chose, face à l’ampleur du changement climatique et de la violence. Nous pensons au contraire que les actions de ces enfants sont contagieuses et contribuent à un changement de mentalité et de façon d’agir. Gandhi disait « Ce que tu fais peut paraitre dérisoire, mais il est important que tu le fasses ».
Il y a quelques années, alors que Silvia et moi travaillions au ministère de l’éducation, un fonctionnaire du ministère nous demanda en quoi consistait notre travail. Quand nous lui avons expliqué le programme dont nous étions responsables, sa réaction fut la suivante : « Je vois, vous faites partie de ces rêveurs qui croient que l’on peut changer le monde… ». La semaine dernière l’équipe du Foyer de Coasa et l’équipe des Écoles Pour la Paix étaient réunies pour une semaine de formation. Bien que nous ayons souvent le sentiment de ramer à contre-courant, nous sommes arrivés à la conclusion que les personnes et groupes qui s’efforcent de construire un monde plus humain, sont de plus en plus nombreux et constituent un courant qui bien que minoritaire, ne cesse de grandir à travers le monde. Antonia, la gardienne de nuit a dit : « Une pomme pourrie contamine les autres. Le Bien Vivre, c’est encore plus contagieux, si nous le pratiquons dans notre vie quotidienne, nous contagions ceux qui nous entourent ».
Écoles Pour la Paix : Depuis hier, nous avons la visite d’une consultante du ministère de l’éducation, venue pour vérifier la validité du travail des Écoles Pour la Paix et de nos propositions. Hier dans une école de village où nous travaillons depuis 5 ans, une fillette de 9 ans lui a dit « Avant, ma maman était méchante, elle nous battait. Maintenant elle nous traite bien et elle est plus jolie » et elle s’est mise à pleurer. Sa maman participe aux formations que nous organisons pour les parents.
Coronavirus Un effet de la mondialisation et une inquiétude. Nous lisons les mesures prises en Suisse, en Italie en France. Ici le président et la ministre de la santé nous disent que nous sommes préparés. La réalité d’hôpitaux avec des queues interminables de patients, sans médicaments… le contredit. Il faut renforcer les mesures d’hygiène, se laver les mains avec fréquence, que peuvent faire les 7-8 millions de péruviens qui n’ont pas l’eau courante, qui vivent au milieu d’ordures… Il y a tant à faire pour que les choses changent, avec la conviction que les changements en général naissent d’initiatives de la population et souvent de groupes minoritaires et se traduisent peu à peu en changements de mentalité et en décisions politiques.
La bonne nouvelle sur le plan santé, c’est que grâce aux étiquettes signalant les produits à contenu élevé en sucre, sel, graisse trans, la consommation de boissons gazeuses a baissé de 11 % en moins d’un an. Au Chili, une loi semblable a permis en 4 ans, de réduire de moitié la consommation de produits au taux élevé en sucre et graisse. On ne peut douter des effets positifs sur le diabète, l’obésité, les maladies cardiovasculaires.
Suite à la fermeture (légale) du Congrès, réclamée depuis longtemps par la population, il y a eu de nouvelles élections fin janvier. On est déçus par une partie des nouveaux élus, mais il y a des gens très intéressants. De plus les deux partis les corrompus, celui de la fille de l’ancien dictateur Fujimori et celui d’Alan García, ont fait un très mauvais score. On espère donc que la lutte anticorruption va continuer.
En dernière minute, le président vient d’annoncer que pour le coronavirus, la rentrée des classes est retardée de 15 jours et aura lieu le 30 mars.
Jean Bouquet
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